Opuscule de Sourdis

Du camp de Baseil (Bazeilles) près Sedan le 16 juin 1641

Le Marquis de SOURDIS ayant esté adverti qu'il y avoit plusieurs forts dans le Luxembourg ou il y avoit des garnisons ennemies qui couroient la frontière de France, emmenans les bestiaux & faisans plusieurs prisonniers des sujets du Roy, il partit d'icy le 8 du courant avec quinze cens hommes de pied, cinq cens chevaux et 2 canons, & pour ce que le Chasteau de Florainville (Florenville, B) qui est assisté d'un grand Bourg estoit une des principales retraites de ces coureurs, il jugea à propos de commencer par là l'execution de son dessein. Il y trouva une compagnie de cinquantes hommes, lesquels se defendirent jusques a ce qu'ils eussent veu le canon en batterie, qui les obligea de se rendre a vie sauve seulement.
Le lendemain des la pointe du jour il alla au Chasteau de Cheni ( Chiny, B ) sur la riviere de Semoy, qui n'a qu'une avenue avec un bon fossé, et  une terrasse palissadée et fraisée, le reste estant sur un roc escarpé. Ceux de dedans apres avoir tiré plusieurs coups de mousquet, sitost qu'il virent arriver le canon abandonnerent ce chasteau et se sauverent dans un bois qui en est proche. Incontinent qu'il fut abandonné, le Marquis  de Sourdis alla au fort Vulliers, que les généraux Picolomini et Bek avoient faict apres que le Mareschal de Chastillon eut pris et raté Ivoy (Carignan, F), il y trouva un capitaine avec 80 hommes, lesquelz a l'exemple de ceux de Cheni, apres avoir veu le canon se retirerent par les bois et par les montagnes de Montmedy. Ce fort estoit basti sur une haute montagne dans les bois escarpez de toutes parts, excepté une petite avenue du coté de Mouzon, laquelle est séparée du fort par une grande ruine. Le fort estoit garni de remparts & parapets faits de terre et de fascines a l'espreuve du canon, au milieu du fort y en avoit un autre petit plus ellevé fait de fascine et de terre bien palissadé et fraisé. Le Marquis de Sourdis apres avoir fait entièrement raser & bruler ces forts, et le pont de Cheny, alla vers le fort de Gaspir autrement appellé Chassepierre, où il y avoit une Tour dont la muraille est de dix huit pieds d'epoisseur...



 

Extrait original avec orthographe d'époque
de l'opuscule conservé aux Archives Nationales de France